Discours au Salon du goût (Turin) Le 22 octobre 2010
Cher Carlo, Cher Jan Carlo,
M. le président de la région,
M. le maire,
Je suis très content d'être ici au salon "Del Gusto". Je ne sais pas si
c'est moi qui vous fais une faveur en étant ici ou si c'est plutôt le salon
du goût qui me fait une faveur en m'invitant ici.
Carlo tu t'inquiétais tout à l'heure que les terres agricoles sont
occupées de plus en plus occupées par l'industrie ou par d'autres
secteurs, ce qui fait une pression sur les agriculteurs. C'est vrai dans
beaucoup de régions. Ce que je constate ici, c'est qu'une terre qui a été
occupée à un moment donné par une usine laisse à nouveau la place à
l'agriculture et à la tradition. Donc, le pari n'est pas perdu !
Vous avez construit ce salon et ce concept autour de la notion de
tradition. Moi, je dirai que la tradition, aujourd'hui, c'est la dimension
la plus importante de la modernité. Nous voyons ici un défilé de ce
qu'est la tradition à travers l'alimentation. Mais la tradition fait vivre
nos identités, nos racines. C'est ce que l'on cherche à travers
l'alimentation, c'est un ressourcement physique, mais bien au-delà. Ce
travail de redécouverte du goût est aussi une redécouverte du goût de
vivre.
Comment faire pour que la tradition contribue au développement
durable. J'aimerai me référer à trois éléments de la durabilité. La
durabilité sociale, la durabilité économique et la durabilité
environnementale. Trois éléments qu'il faut développer ensemble pour
mettre en valeur les ressources que nous avons en Europe.
[Durabilité sociale]
Nous devons préserver notre alimentation dans sa diversité, sa qualité,
ses richesses. C'est comme cela qu'elle est une source de valeur
ajoutée pour nos producteurs. Il faut développer et renforcer le lien
entre les producteurs et les consommateurs. L'uniformisation des
goûts n'est pas favorable ni aux consommateurs, ni aux producteurs. A
travers la PAC, dans l'avenir, compte tenu de la forte diversité des
modes de production au sein de l'UE, il faut développer les systèmes
de production qui font vivre le maximum de producteurs sur les
territoires. C'est de cette façon que l'agriculture joue son rôle social en
même temps que son rôle économique.
[Durabilité économique]
Je me réfère maintenant à la durabilité économique. Sur ce point, il est
nécessaire de s'assurer que le marché puisse s'exprimer, à ses
différents niveaux. Faisons en sorte que les agriculteurs vivent avant
tout de leur travail, de ce qu'ils commercialisent sur le marché. Mon
intention, à travers un projet de règlement sur la politique de qualité,
est d'assurer une identification, un étiquetage des produits locaux et
des produits de montagne pour que les consommateurs sachent ce
qu'ils achètent, d'où viennent les produits.
Je sais aussi qu'il convient d'assurer une meilleure répartition du
pouvoir de négociation au sein de la chaine alimentaire. Je travaille
avec mon collègue le commissaire Tajani pour faire en sorte que les
règles de transparence permettent aux agriculteurs de bénéficier
davantage du fruit de leur travail.
Il est important de comprendre et de faire savoir que les agriculteurs
réalisent d'autres biens, au-delà des aliments qui sont présents sur les
marchés. Il est important de prendre en compte les deux aspects du
travail des agriculteurs. Le soutien public est tout à fait justifié. Les
agriculteurs n'ont pas à rougir. Ceux qui payent les taxes, les
contribuables, doivent savoir que les agriculteurs produisent d'autres
biens qui restent sur les territoires et que nous, citoyens, lorsque nous
nous promenons à la campagne, nous bénéficions de ces biens qui ne
sont pas alimentaires.
[Durabilité environnementale]
Parlons maintenant de la durabilité environnementale. Il convient
d'assurer une régénération des ressources naturelles par les modes de
production. Il est important que la manière dont on utilise les
ressources naturelles, les sols, l'eau, permette cette régénération.
Il ne faut pas oublier que nous ne sommes pas des prédateurs. Nous ne
sommes pas en conflit avec la nature, nous vivons avec elle. Nous
devons apprendre à vivre avec la nature, pas contre elle. Nous devons
prendre en compte que nous faisons partie d'un ensemble qui doit être
harmonieux si nous voulons assurer un développement durable.
Nous vivons dans des cycles naturels qu'il vaut mieux comprendre
plutôt que détruire. Il faut apprendre à consommer des produits de
saison, si nous voulons que nos aliments et que nos sols soient sains. Il
faut apprendre à produire en régénérant et non pas en détruisant.
Pour moi, la compétitivité ne se mesure pas que par l'économie mais
également par notre capacité à faire l'économie en assurant la
régénération des ressources naturelles. Je ne suis pas dans une position
écologiste en disant cela, comme on le fait croire parfois. Mais
l'agriculture ne peut pas développer sa compétitivité sur le dos de la
capacité de régénération de nos ressources naturelles.
Je le sais aussi parce que je viens de ce milieu : les agriculteurs savent
par leur travail respecter la terre. Il ne faut simplement pas les pousser
à faire autre chose que ce qu'ils savent faire, une bonne agriculture.
[Pour conclure]
Je veux terminer en vous disant que la tradition est une opportunité
pour l'éternité tant que l'alimentation reste une source de nourriture
pour le corps, mais également pour l'esprit.
J'ai aussi une autre conviction personnelle : nous vivons une époque
où il n'y aura plus de changement collectif sans qu'il y ait des
changements individuels dans notre comportement. N'attendons pas
que les autres fassent des changements à notre place. Nous-mêmes,
changeons, changeons notre attitude à l'égard de la nourriture, avant
de demander des changements aux autres.