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Vestager : « On ne construit pas la compétitivité sur des subventions publiques » (Les Echos | France)

In an interview with top economic French newspaper 'Les Echos', EC vice-president Margrethe Vestager mentions the EIC as a possible model for the implementation of the European Sovereignty Fund.

date:  09/02/2023

Le Pacte vert européen présenté la semaine dernière prévoit une réforme des aides d'Etat, quel sens lui donnez-vous

Le Pacte vert a vocation à agir sur la compétitivité européenne au sens large, pas seulement en réponse à la loi américaine sur la réduction de l'inflation (IRA). C'est un fait la productivité en Europe ne croît pas aussi vite qu'ailleurs. Nous devons nous poser la question de savoir comment faire pour mieux aider les entreprises européennes à passer au vert.

Sinon, le risque est que l'accélération que nous connaissons actuellement en Europe dans ce secteur soit mise sur pause, à cause des subventions de l'IRA qui rendent les Etats-Unis plus attractifs pour investir. Dans le courant du mois de mars, nous lancerons la loi pour « une industrie à zéro émission nette », dont l'objectif principal est de créer un environnement favorable aux investissements en Europe.

C'est dans ce contexte que nous avons défini un nouveau cadre temporaire de crise et de transition pour les aides d'Etat. Ces aides sont également dirigées vers la capacité de production des entreprises. Il ne s'agit pas uniquement de financer la recherche ou le développement.

Comment garantir que les aides d'Etat ne profitent pas qu'à l'Allemagne et à la France, bref aux pays qui ont les moyens ?

Nous avons échafaudé un dispositif qui permet des aides favorisant la cohésion. Par exemple, vous obtenez en quelque sorte une prime quand vous investissez dans plusieurs pays européens car nous voulons des effets paneuropéens transfrontaliers dans la manière dont l'argent est utilisé.

Les aides sont temporaires et uniquement ciblées sur les secteurs à risque de relocalisation vers les Etats-Unis. C'est aussi important pour maintenir une cohésion. Nous avons analysé quels sont ces secteurs, il s'agit en particulier des batteries pour les véhicules, les éoliennes, des matières premières qui entrent dans la composition de ces éléments. Il ne faut pas perdre de vue que c'est l'argent des contribuables que nous utilisons et que nous transférons vers les actionnaires, ce qui est légitime uniquement lorsque c'est pour le bien public. Dans ce cas, c'est la lutte de l'industrie européenne contre le changement climatique.

L'Europe aura besoin de plus de financement à plus long terme. Un fonds de souveraineté est à l'étude. Comment doit-il être organisé

Nous sommes toujours en train de discuter du fonds de souveraineté. Il y a un certain nombre de questions qui n'ont pas encore trouvé de réponse, que ce soit sa taille, son financement ou son fonctionnement. Une partie de la réponse des besoins de financement en Europe réside dans la manière dont nous pourrions utiliser les fonds dont l'Europe dispose déjà. Des centaines de milliards d'euros n'ont pas encore été dépensées.

Une autre idée que je trouve intéressante, à titre personnel, est inspirée du fonctionnement du Conseil européen de l'innovation, qui propose une sorte d'investissement en capital à haut risque. Il ne s'agit pas d'une subvention, ni d'un prêt, mais d'un investissement dans votre entreprise, vous devenez actionnaire. Ainsi, les contribuables prennent un risque plus important que celui d'un investisseur ordinaire, mais ils ont également une chance de bénéficier de gains supplémentaires. C'est une idée parmi d'autres. Je pense qu'il est vraiment important que nous réfléchissions à d'autres moyens que l'habituel « collectons un tas d'argent et distribuons-le ». Nous devons trouver un moyen d'utiliser différents types d'instruments financiers, d'être imaginatifs, afin d'investir dans ces secteurs où nous avons besoin d'une accélération.

Les aides d'Etat vont être simplifiées et relevées. Comment s'assurer de ne pas rendre les entreprises trop dépendantes

Suivant les régions où vous investissez, dans un régime d'aide d'Etat, les aides sont plafonnées entre 100 millions d'euros et jusqu'à 300 millions par entreprise. Et le pourcentage de l'investissement consenti par les entreprises qui est restitué sous forme d'aide est aussi variable, entre 10 et 30. Et davantage s'il s'agit de crédits d'impôts ou de PME. De plus, j'insiste, ces aides sont temporaires [jusqu'en 2025, NDLR].

Le tout doit donc pousser les entreprises à construire leur propre compétitivité, à s'assurer que leurs développements sont viables à long terme. Notre mécanisme vise à accélérer les investissements et à empêcher une attitude attentiste des entreprises.

C'est temporaire, mais l'IRA va durer dix ans. L'industrie européenne aura donc besoin d'être aidée pendant dix ans également…

L'aide d'Etat n'est qu'une partie de la solution. Il est intéressant à bien des égards de faire des affaires en Europe. Ici, vous avez une prévisibilité, vous savez que si vous investissez dans le vert, il y aura une demande. Une législation claire est en place. Vous avez une infrastructure de recherche et de développement de classe mondiale en Europe et beaucoup de gens intelligents.

Nous pouvons donc égaler l'aide des Etats-Unis, tout en faisant valoir ces arguments. C'est grâce à cela que vous construisez votre compétitivité et bien sûr à votre productivité et votre propre capacité d'innovation. Non pas grâce aux subventions publiques.

Fabienne Schmitt