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27/01/17

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Il n'est donc pas du tout évident qu'une relance budgétaire supplémentaire soit nécessaire en Europe.

On parle beaucoup, ces jours-ci, des mesures de relance budgétaire aux Etats-Unis.

L'Union Européenne, et la zone euro en particulier, ont-elles  besoin d'un coup de pouce similaire? Mon opinion est que nous ne sommes certes plus en période de vaches grasses, comme c'était le cas avant le mois d'août, mais sur les pâturages d'Europe les vaches ne sont pas maigres non plus.

D'abord, et pour recadrer le débat, il faut noter que beaucoup  de pays de l'UE ont prévu dans leurs budgets 2008 des baisses d'impôt qui devraient diminuer les revenus publics d'environ 0,2 à 0,3% du Produit Intérieur Brut cette année. De telle façon que le déficit budgétaire moyen de l'UE devrait stagner en 2008, après avoir baissé d'environ 3% du PIB, en 2003, à environ 1% en 2007 (un peu moins pour la zone euro).  En Allemagne, d'abord, la réduction de 10 points de l'impôt sur les sociétés à partir de cette année ainsi qu'une diminution des contributions pour l'assurance chômage devraient recréer un déficit (-0,5%) alors que le budget était en équilibre en 2007. En France, le paquet fiscal de l'été dernier,  comprenant la forte réduction de l'impôt sur les successions, la déductibilité des intérêts sur les emprunts hypothécaires et la hausse du 'bouclier' fiscal à 50% des revenus, se traduira par une pause dans le processus de consolidation budgétaire et de désendettement.  On trouve encore des réductions fiscales en Italie (baisse des impôts fonciers locaux), Espagne (réduction de l'impôt sur les sociétés et crédits d'impôts aux familles), Danemark (réduction de l'impôt sur le revenu), Pologne (réduction des contributions sociales et aides fiscales aux familles) et bien d'autres.

Nous ne sommes donc pas, et ne sortons pas, de politiques d'austérité, contrairement à l'impression que peuvent donner ici ou là certains articles. Il y a eu, il est vrai, dans l'ensemble, un bel effort de consolidation budgétaire ces dernières années qui nous permet d'affronter les chocs externes de façon plus sereine. Et ils sont nombreux! Qu'il s'agisse du prix du pétrole qui a augmenté de 25% depuis l'été et d'environ 200% depuis 2004; des prix alimentaires de base qui s'envolent sous le coup de mauvaises récoltes et de l'augmentation de la demande mondiale; ou encore du ralentissement marqué aux Etats-Unis. 

Une majorité de pays de l'UE aborde cette détérioration de la conjoncture dans une situation plus confortable que d'autres. Ce sont les pays qui ont mis à profit la croissance depuis mi-2005 pour progresser vers l'équilibre des comptes publics. Ceux-là ont aujourd'hui les marges de manÅ“uvre budgétaire, si cela s'avérait nécessaire, pour laisser jouer les stabilisateurs automatiques (c'est-à-dire encaisser une baisse éventuelle de revenus  et faire face à des dépenses accrues), sans crainte de voir les comptes publics franchir la barre des 3%. À y regarder de près c'est finalement ce que préconisent aussi les responsables de certaines organisations internationales.

D'une certaine manière, le relâchement budgétaire prévu pour cette année s'insère dans cette logique. Les stabilisateurs automatiques, s'ils devaient jouer, permettraient de soutenir ceux qui seraient les plus touchés par le ralentissement économique même si les revenus publics s'avéraient moins élevés. Le soutient apporté à l'économie n'aurait alors rien à 'envier' à ce que se proposent les EU.

En attendant réfléchissons avant de céder aux chants des sirènes. Si la conjoncture a changé par rapport à l'été, il n'est pas encore question de récession aux Etats-Unis et encore moins en Europe. Par ailleurs, il faut se rappeler le poids incomparablement plus bas des dépenses publiques en pourcentage du PIB aux EU par rapport à l'UE (moins de 36% contre plus de 46%). Notre plus grande progressivité de l'impôt en Europe et des systèmes de protection sociale plus généreux permettent de soutenir la demande autrement plus rapidement et efficacement qu'à travers des injections ponctuelles.

La meilleure réponse aux défis qui se présentent à nous en matière de croissance et d'emploi reste d'ordre structurel. Cela vaut pour le prix du pétrole, où il faut se garder des tentations qui reviendraient à soutenir la consommation existante d'essence et de fuel plutôt que de favoriser les mécanismes et réformes permettant des économies d'énergie et, à-terme,  une plus grande efficacité énergétique et utilisation d'énergies alternatives.

La réaction aux conséquences sur l'économie réelle des turbulences sur les marchés ne devrait pas être très différente, à mon avis. Tenir bon et ne pas céder à des solutions toutes prêtes - mais chères à court terme et contre-productives sur le long terme - qui consisteraient à augmenter le déficit et l'endettement publics au moindre coup de froid.  Et surtout, continuer sur la route des réformes structurelles, qui nous a permis de créer plus de 15 millions d'emplois depuis l'euro et de réduire le chômage à des niveaux qu'on n'avait pas vu depuis 25 ans. Augmenter la compétitivité des entreprises européennes en misant sur les secteurs à valeur ajoutée, l'excellence et l'innovation. Cibler les marchés géographiques en forte croissance. Libérer le potentiel de croissance qui se trouve encore contraint dans le secteur des services et les professions réglementées. En somme l'agenda de Lisbonne pour la croissance et l'emploi.  

Les fondamentaux de l'économie européenne sont bons et solides et les budgets 2008 prévoient  déjà un stimulus non négligeable. Il n'est donc,  à ce stade, pas du tout évident qu'une relance budgétaire supplémentaire soit nécessaire en Europe. Laissons jouer les stabilisateurs budgétaires sans compromettre la consolidation à long-terme. Le Pacte de Stabilité et de Croissance révisé en 2005 nous a bien servi puisque il a permis d'assainir les finances publiques et de retrouver la croissance en 2006 et 2007. Réfléchissons à deux fois avant de retomber dans de mauvaises habitudes et, surtout, réfléchissons ensemble.

Joaquín Almunia
Membre de la Commission européenne
Responsable pour les Affaires Économiques et Monétaires